MAMADOU 

NDIAYE

Founder of Wasabih

Qu’est-ce que l’économie du Halal pourrait apporter au Sénégal ?

Le Sénégal est un pays de 95% de musulmans. 4% à 5% des sénégalais sont chrétiens.

On peut donc dire que le Sénégal compte pratiquement 99% de croyants à une religion monothéiste.


Je vais briser un mythe dès le début : les produits Halal sont plébiscités par les musulmans ET les non-musulmans qui cherchent une consommation éthique. . Par exemple, en Malaisie, on peut trouver une banque islamique qui a plus de clients non-musulmans que de clients musulmans. Le Halal n’est donc pas qu’une affaire de musulman. C’est une offre de qualité qui s’adresse à toute l’humanité.

Le Sénégal est un pays de croyants et c’est bon pour le business.

Ceci étant dit, le statut de la religion est sacré pour le sénégalais. Cette sacralité se manifeste dans sa vie de tous les jours, dans ses aspirations et dans ses activités quotidiennes, notamment dans sa consommation des produits et services du marché national.

Il y a donc un impact énorme de la croyance du sénégalais sur l’économie du pays. Ceci nous pousse donc à nous poser quelques questions sur la base de constats.


Après plus d’un an au Sénégal, je me pose encore ces questions :


  • Est-ce que la viande importée et consommée dans la pays est Halal ? Si oui, comment le consommateur peut en être certain ou au moins rassuré ?
  • Est-ce que la viande se trouvant dans les plats cuisinés importés par la grande distribution est Halal ? Si cette viande n’est pas Halal, est-ce que le consommateur en est parfaitement informé ? C’est le basic de ses droits de consommateur.
  • Quid de la gélatine de porc dans les produits laitiers vendus en supermarché au Sénégal ??
  • Quid de la gélatine de porc dans les bonbons vendus en supermarché et consommés par les enfants musulmans du Sénégal ?
  • Les produits financiers disponibles sur le marché consommateur du sénégalais, malgré les efforts des banques locales islamiques, sont très loin de la demande et des aspirations de la population. Le consommateur sénégalais soucieux de sa religion est frustré en permanence.
  • Les produits financiers pour les entreprises ne sont pas en mesure de booster la création et le développement des entreprises. Beaucoup de grands entrepreneurs sénégalais ne veulent pas déposer leur fonds dans les banques conventionnelles car elles ne sont pas en adéquation avec leurs valeurs religieuses. Ceci représente une perte énorme pour le système bancaire national et pour l’état du Sénégal.
  • Les produits d’assurances sont calqués sur une système de valeur qui ne convient pas au sénégalais musulman. C’est étonnant que le “Takaful” (‘assurance’ compatible avec la Sharia) ne soit pas vulgarisé dans une population comme celle du Sénégal.
  • Le plus grand désastre en mon sens se trouve dans le tourisme, l’hôtellerie et la restauration : nous avons complètement oublié le touriste sénégalais local. Nous avons complètement oublié le touriste ou le visiteur musulman étranger. L’offre existante n’est pratiquement que pour les non musulmans. C’est un gâchis parce que le marché intérieur a toujours été une forte locomotive pour développer un secteur d’activité dans un pays. C’est un gâchis parce que le marché du Tourisme Halal mondial va représenter 350 milliards de dollars USD d’ici à 2030.

Il faut agir maintenant.


Si le Sénégal agit maintenant, voici ce que nous pourrions espérer :


  • Le Halal pourrait contribuer à hauteur de 12% de notre PIB d’ici à 10 ans. C’est entre 2000 et 4000 Milliard de F CFA par an.
  • Au lieu des 1 à 2 millions de touristes actuels qui visitent le Sénégal, nous pourrions attirer 5 millions de touristes en plus par an. Ces touristes viendront d’Europe, d’Afrique et du Moyen-Orient.
  • Le tourisme Halal pourrait contribuer à hauteur de 5% pour positionner la contribution du tourisme au PIB de 11%
  • Le Sénégal se positionnerait comme pays leader en Afrique dans les destinations “Halal-friendly”. 
  • Les touristes ont vu l’Europe, l’Asie, l’Amérique, etc. Beaucoup commencent à s’intéresser à l’Afrique pour le tourisme mais aussi pour les affaires. La tendance d’aujourd’hui est à l’avantage de l’Afrique. Le Sénégal a donc une ouverture unique pour se positionner et attraper cette manne encore connue et maîtrisée que par peu de pays.
  • Le consommateur sénégalais se sentira beaucoup mieux dans son pays. Il ira au restaurant apaisé. Il visitera plus d’hôtels. Il se sentira écouté et respecté.

Je reste convaincu que c’est largement possible d’atteindre les objectifs ci-dessus, si les secteurs concernés sont appuyés par les politiques publiques. Pour cela il faut un travail profond sur les enjeux de cette économie Halal ainsi que les stratégies et programmes de mise en œuvre et de contrôle.

Il faut que le Sénégal mette en œuvre un plan directeur sur l’industrie du Halal pour 2030 avec pour objectif de capturer cette opportunité unique pour augmenter le standard de la qualité de vie du sénégalais mais surtout développer les connaissances nécessaires pour forger une économie éthique, solide et durable.

Certains pays l’ont compris. Ils jouissent aujourd’hui des points de PIB conséquents. 

J’espère que ce sera aussi le cas du Sénégal.